Cela fait bientôt 8 ans que je pratique le product management. Je n'ai jamais trouvé une définition satisfaisante malgré le fait de pratiquer, lire des dizaines d'articles ou bien encore échanger avec mes collègues sur le sujet.
J'ai appris le product management chez dubizzle avec mon mentor, Bilal Bajwa, lui-même mentoré et formé à la Silicon Valley chez Zinga. Mon postulat de départ est que ce qu'il m'a enseigné est du product management, et que ce que je rencontre depuis, correspond parfois à du product management, parfois à autre chose.
On parle de mini-CEO dans le livre de Steven Haines. De general management. D'intersection entre le design, la tech et le business, Du bon et du mauvais product manager, des attributs du product manager. Ces éléments sont justes dans le sens où ils s'inscrivent dans la continuité de ce que j'ai appris et exercé. Mais les définitions que j'ai rencontrées m'ont toujours paru trop bornées ou réductrices (Intercom, SVPG).
J'ai eu droit à des définitions de la part de fondateurs, de CPO, de leaders de la tech qui ne correspondaient pas à ce que j'en avais compris, vu et pratiqué. Avec le relativisme ambiant, chacun peut se faire sa propre idée sur sa définition et penser qu'il a raison bien qu'il n'ai pas vu beaucoup de types d'organisations. Certaines pratiques sont dès lors, très loin de ce que l'on trouve dans les bonnes organisations produits.
Cela m'a toujours titillé car l'expression du product management au sein d'organisations ayant peu de leadership produit , aboutissait toujours à un modèle moins efficace mais aussi moins agréable à vivre que celui auquel j'avais été habitué par le passé.
J'ai eu la même impression lors de mon début de carrière entre 2006 et 2010 lorsque j'étais développeur. J'ai eu la chance de rencontrer des gens qui m'ont montré comment développer de manière très efficace. On développait un produit compétitif avec 1/3 de l'effectif des équipes de nos concurrents. On parlait d'agilité. Mais lors des rencontres agiles, tout le monde avait une vision différente et aucun consensus sur sa définition. (Je m'y emploierai dans un prochain article.
Je pense à présent et grâce aux travaux du chercheur Baptiste Rappin, avoir pu mieux cerner ce que cela voulait dire.
Le Product management est un ensemble de pratiques d’organisation et de gestion (management) cherchant la performance maximale du capital.
Il est l’aboutissement contemporain de la théorie de la cybernétique appliquée aux organisations.
Son postulat est qu’il est plus performant d’avoir une vision holistique / systémique à la fois interne et externe à l'organisation pour garantir la performance du capital. C’est pour cela qu’on y trouve la notion centrale de coopération interdisciplinaire, ingrédient différenciant majeur des formes managériales antérieures.
On peut également l'associer à la notion d’organisation innovatrice ou adhocratique de Mintzberg. Il est le fruit de l’adaptation des organisations à l'accélération du monde, dû à la généralisation des technologies de l’information et l'adoption généralisée du paradigme managérial cybernétique, le concept de feedback aussi appelé boucle de rétroaction.
On retrouve au fondement de la cybernétique tout un ensemble de personnes qui ont essayées de regrouper et mettre en relation leurs connaissances et expériences dans des disciplines tels que les mathématiques, la physique, la biologie, l'anthropologie lors notamment des fameuses conférences Macy.
De la biologie, a par exemple émergé, le concept de système et d'organisation (en son sens scientifique, biologique du terme et non pas au sens d'effectuer l'organisation des choses) aboutissant ensuite à la théorie des systèmes. Cette approche est réellement en rupture avec les formes cartésiennes ou réductionnistes qui l'ont précédée. On y trouve également la notion d'homéostasie.
On commence à discerner grâce à cette clé de lecture, la notion d'analyse systémique que l'on effectue lorsqu'on cartographie les chemins des utilisateurs UX, l'environnement physique et psychique dans lequel s'inscrit l'utilisateur; ou bien quand on audit et modélise un processus complexe qui touche aux différents départements d'une société par exemple.
La notion de système a également été liée aux lois de la thermodynamique et des systèmes ouverts par l'apport des mathématiciens du groupe comme Norbert Wiener. On y découvre alors la fameuse boucle de rétroaction.
Vient à cela se greffer les théories de l'information via notamment l'apport de Claude Shannon ou Alan Turing. Ces théories aboutissent à divers applications et outils, tel que l'analyse quantitative et statistique, le traitement du signal grâce à l'utilisation des systèmes d'information modernes.
Pour contextualiser, La cybernétique s'inscrit en réaction au nazisme, dans le but de gagner la drôle de guerre et préserver la liberté. Elle étend ensuite cette volonté au domaine de l'organisation.
La réflection des cybernéticiens notamment Stafford Beer donne dans son application au management d'entreprise , l'idée qu'il faut éviter d'opprimer l'individu en l'impliquant et en le faisant participer aux objectifs et résolutions de problèmes. (On retrouve des prémisses de la méthode OKR) Il y définit également dans son viable system model, le rôle de la vision de l'organisation (fonction stratégie et veille de l'entreprise) comme une fonction inspirée du fonctionnement du cerveau humain. La fonction en charge de la vision la proposant au reste de l'organisation sans la contraindre et adaptant son discours au retour / feedback des autres fonctions. (Le système de l'identité / vision, devant se soumettre si besoin aux aléas de l'environnement et contraintes de la production pour se perpétuer)
Ce postulat a également été renforcé par les conclusions d'observations de sociologues, psychologues et anthropologues notamment lors d'expériences menées par Elton Mayo dans les usines d'Hawthorne et la compréhension du besoin de cohésion de groupe comme facteur d'efficacité; ou bien encore les observations de Trist et Bamforth qui mirent en lumière certains principes comme l'autonomie responsable ou le besoin que la tâche effectuée ait un sens (Théorie Socio Technique) qu'on retrouve dans le principe d'auto organisation des méthodes agiles.
Depuis mon retour en France, j'ai souvent été surpris de voir les gens parler de business, de métier et de produit de manière séparée, et ce que ce soit pour parler de Product Owner ou bien de Product Manager.
Pourtant nous sommes bien, en ce qui concerne le product management, dans du général management. Ce n'est pas parce qu'il y a une notion tech prononcée due à la gestion de l'information des organisations, qu'il faut associer le product management à la tech.Je pense que cette fausse perception existe principalement à cause du besoin de collaboration aiguë qu'implique le développement de solutions liées aux technologies de l'information.
Les chefs de produits dans le domaine de la mode ne sont pas près des informaticiens jusqu'à preuve du contraire. Lorsqu'on ajoute un Product Marketing Manager dans une équipe, on ne dit pas qu'il fait partie de la tech non plus. Alors pourquoi le product manager en ferait-il parti?
Je tends à penser que cette vision faussée du Produit est la conséquence de l'histoire des organisations non-produit, où il y avait une relation directe entre la DSI et les opérations par exemple.
Reproduisant ce que l'on connaît, ne sachant pas trop où mettre le produit car n'ayant pas de point de référence, on le retrouve parfois subordonné à la tech. La tech, et le reste de l'organisation ne comprenant pas vraiment le positionnement que devrait avoir le produit.
Beaucoup de sociétés font ce que j'appelle du "Rebranding" ou du "Saupoudrage" produit. Dans les faits, la personne chargée du produit effectue plutôt des tâches relatives à celles d'un chef de projet, figure historique du management au sein des DSI. Ce phénomène a été bien analysé par Marty Caghan sur son blog.
Pour bien comprendre le product management, on doit en revenir à la définition de celui-ci. Que ce soit la mienne ou celle de mes célèbres aînés, il faut comprendre qu'il s'agit de general management dont la nature est systémique.
Cela devrait, je pense, dissiper pas mal de malentendus lors de discussions purement business, comme une politique commerciale, du branding, de l'amélioration de processus avec différentes opérations etc...
J'espère avoir un peu plus explicité la nature du job pour aider les PM et PO à faire leur travail dans un environnement plus accueillant et compréhensif de leur action.
N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez et laissez un commentaire.
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